Le 13 janvier au Togo : hier jour de fête aujourd’hui jour de recueillement
Le 13 janvier au Togo : hier jour de fête aujourd’hui jour de recueillement
Au Togo, la date du 13 janvier n’est pas un jour ordinaire. C’est une journée de contradiction, d’opposition et du réveil des vieux démons qui hantent et pourrissent la vie de la république.
Le 13 janvier 1963 constitue en effet le jour fatidique où le père de l’indépendance Sylvanus Olympio fut assassiné. Aujourd’hui nous commémorons les 48 ans de son assassinat.
Mais qui serait l’assassin ?
Selon l’histoire encore obscure, se serait le général Gnassingbé Eyadema. Mais chose rare qui compliquerait la vraie vérité, le général Gnassingbé Eyadema aurait reconnu être l’auteur du coup d’Etat et de l’assassinat de Sylvanus Olympio. N’est-ce pas glorieux de revendiquer le premier coup d’Etat sur le continent noir qui a couté la vie du père de l’indépendance ?
Pour ceux qui ne connaissent pas le feu général Gnassingbé Eyadema, c’est un homme d’arme qui a pris les rênes du Togo durant 36 ans. Et surtout qu’il est mort au pouvoir comme un certain Omar Bongo. C’est pourquoi ne vous étonnez pas si au Togo comme au Gabon, ce sont les fils de ses messieurs-défunts qui dirigent ces pays. Pourvu qu’eux aussi ne règnent pas à vie.
Cette date du 13 janvier constitue ainsi pour les uns le levé du soleil et pour d’autres le couché du soleil. Nous voyons donc que les raisons d’être de cette fête sont totalement antagonistes.
Pour les uns, parti au pouvoir ayant comme symbole le feu général Gnassingbé Eyadema, ce fut un jour divin où le Créateur a libéré le peuple Togolais du tyran qu’est le père de l’indépendance Sylvanus Olympio. C’était donc une occasion de grande fête et de feux d’artifice. Pour qu’aucun souvenir du père de l’indépendance ne vienne hanter les festivités, des mesures symboliques ont été soigneusement orchestrées, planifiées et exécutées :
Remplacement de l’hymne national « Terre de nos aïeux » par « Écartons tout mauvais esprit qui gène l’unité nationale »
La devise Travail-Liberté-Patrie par Union-Paix-Solidarité
La date même de l’indépendance le 27 Avril fut totalement éclipsée par celui du 13 janvier grand jour de libération
Et rappelons que jusqu’à ce jour la dépouille mortelle du père de l’indépendance du Togo repose en terre étrangère au Bénin
Création du parti unique RPT (Rassemblement du Peuple Togolais); creuset national où aucune pensée plurielle n’est tolérée.
Par ces mesures, le RPT et son général Eyadema se croyaient enfin assurer qu’aucun mauvais esprit ne viendrait gêner l’unité autour des grandioses festivités du 13 janvier.
Mais depuis la fin de la conférence nationale souveraine coiffée par l’élaboration et l’adoption de la Constitution de 1992 par voie référendaire, les acquis de l’indépendance ont été rétablis avec comme principale fête nationale le 27 Avril, jour de la proclamation de l’indépendance du Togo.
Commence alors la dégénérescence de cette fête du 13 janvier. Et depuis l’arrivée au pouvoir du fils qui veut tant bien que mal se démarquer de cette fête-assassinat à la gloire de son défunt papa chéri, cette fête jadis festival s’est progressivement transformée en jour de recueillement.
Les nostalgiques de ces moments où le 13 janvier était dans toute sa splendeur se rappellent avec amertume et regret les beaux jours aussitôt finis :
Grand défilé militaire et civil : chaque année de nouvelles tenues-uniformes à l’effigie du général Gnassingbé Eyadema sont confectionnés aux milliers de personnes aux frais de la république
Chaque participant recevait des perdiemes. Perdiemes qui prenaient en compte les dizaines de jours de répétitions et de marches de soutien
Des fêtes organisées un peu partout sur toute l’étendue du territoire pour consacrer l’effectivité du caractère nationale et populaire de la fête
Comme couronnement, grand bal à Lomé II (ancien palais présidentiel) avec les caciques du pouvoir qui ont l’œil sur le bien-être de leurs comptes bancaires que sur celui de la population.
Tout compte fait, c’était un grand jour de dépenses nationales. Et ceux qui aiment ce jour, l’aiment non à cause de certaines idées de libération et d’exploits de leur général, mais surtout à cause des profits pécuniaires. Si on se félicitait encore il y a quelques jours à coup de trompette de l’entrée du Togo dans le programme PPTE (Pays Pauvre Très Endetté) avec remise de dettes allant à plus de 600 milliards de francs, il faut reconnaître qu’une grande partie de ces dettes a largement servi à cette fête du 13 janvier ; fête pendant laquelle on mangeait, on buvait, on dansait et on se mettait plein les poches.
Il n’est donc pas étonnant qu’avec plus de 600 milliards injectés dans notre économie, il n’y ait pas d’infrastructures adéquates pour ce petits pays d’une superficie de 56 600 km2 et seulement une population de 6 millions d’habitants qu’est le Togo.
Pour l’opposition qui considère cette fête comme le couché du soleil, espérant que le soleil se relèvera avec leur accession au pouvoir, des séances de prières et de recueillement sont toujours organisées pendant les 13 janvier.
Mais pour eux, le bilan est fait de gaz lacrymogènes et de coups de matraque.
Aujourd’hui, le RPT, parti au pouvoir rejoint aussi l’idée de recueillement surtout que le fils de l’assassiné, Gilchrist Olympio est devenu leur allié.
Tout compte fait, l’opposition ne désarme pas surtout avec la radicalité de Jean-Pierre Fabre ancien mentor de Gilchrist, qui désapprouve les agissements de ce dernier.
Nous de notre côté, nous nous réjouissons que cette fête hier cause de dissensus entre les acteurs politiques puisse aujourd’hui être en progrès vers un consensus partagé.
Encore faudrait-il que les concepts « recueillement » et « réconciliation » aient les mêmes significations pour chacun des acteurs politiques et sociaux.
Commentaires