A quand un féminisme africain ?
A quand un féminisme africain ?
Femme noire, femme africaine, ô
Toi, ma mère, merci; merci pour tout
Ce que tu fis pour moi, ton fils, si
Loin, si près de toi !
Camara Laye
Au Togo, la journée du 8 mars dédiée à la femme ou bien au sexe féminin n’est pas passée inaperçue. Discours de Mme la ministre de l’action sociale, de la promotion de la femme, de la protection de l’enfant et des personnes âgées Memounatou IBRAHIMA ; différentes activités organisées par les associations et organisations non-gouvernementales qui promeuvent la femme : émission radio, causerie-débats publiques, activités culturelles ont ainsi meublées cette journée.
Mais je suis resté sur ma soif. J’attendais que ces organisations ou associations, qui militent en faveur de la femme, offrent à mon intelligence peu compréhensive, un discours authentiquement africain sur l’être femme, ses difficultés et ses perspectives d’avenir. Mais il en est rien ou bien peu de choses.
• Un discours féministe hors contexte
Elles n’ont plutôt cessé de ressasser un discours féministe occidental qui, même si certains aspects de ce discours sont non-négligeables, se met en déphasage avec leurs contextes existentiels.
Pourquoi nous africains sommes-nous toujours seulement aptes à tenir un discours second ou un discours qui sert d’arrière plan aux discours occidentaux ? Pourquoi ne pas produire des discours authentiques qui à côté des autres discours, ne seraient pas un ingrédient de plus, mais qui seraient en soit une alternative, une vision nouvelle ?
Pourquoi l’objet de nos discours serait ce sur quoi les occidentaux ont déjà débattu ? Peut-être que sur la question de l’ « objet » de débat ou de recherches nous pouvons encore comprendre, mais sommes-nous obligés de partager ou de faire le plagiat quand aux solutions ou directives préconisées par les Occidentaux ?
Ces inquiétudes que je relève nous font faire assez souvent fausse route sur bon nombre de sujets et dans bon nombre de domaine de recherches.
Sur la question par exemple de l’identité noire, en philosophie sur le discours du great divide ou en littérature avec la négritude, le discours africain est demeuré un discours second ou réactionnaire.
Même sur la question du développement, sommes-nous disposés à envisager un développement alternatif ayant un contenu sémantique autre que la techno-science et un bonheur de gratte-ciels avec un écart abyssal entre une minorité trop riche et une majorité trop pauvre ?
Aujourd’hui encore autour de la femme africaine, le discours authentique révélateur de la femme africaine n’est pas encore né. Peut-être s’il se pense, il n’est pas encore ébauché. C’est pourquoi à juste titre, je pose la question : à quand un féminisme africain ?
Le combat des femmes reste légitime et à besoin d’être soutenu ou mieux à être intégré dans la conscience de tout un chacun de nous.
Mais il faut que le discours qui s’engage dans cette lutte prenne forme à partir du terroir, s’élabore à partir de la réalité féminine africaine.
Cependant, cette réalité féminine africaine n’a pas toujours été un enfer pour les femmes ou le terrain fertile des « chaînes d’oppression » comme certains propos l’ont souligné lors du Forum des luttes féministes africaines tenu à Kaolack (Sénégal) le 4 Février dernier. Elle reste ambivalente.
• La femme dans la culture africaine
Dans certaines régions traditionnelles d’Afrique, la fille est assimilée de façon symbolique à la calebasse, objet premier dans toutes les activités de la vie collectives. Elle est l’instrument servant à donner l’eau à toute personne : elle est donc source de vie. Elle est également récipient, caisse de résonance d’instrument de musique et servant de moyen d’échange entre les communautés : elle est en cela élément d’instauration de la paix.
La femme « à l’image des fonctions sociales de la calebasse, est considérée comme l’instrument de vie, donatrice de vie et, en même temps protectrice de cette même vie » Adji Aklesso (2008 :109).
Certes ces considérations anthropologiques n’empêchent pas que la femme soit longtemps enfermée dans un « livret familial » ou prédomine la culture patriarcale, mais elle témoigne que la femme n’est pas toujours marginalisée en Afrique comme veuillent le faire croire certains discours occidentaux.
Sur ce plan, la figure de la Grande Royale dans le roman L’Aventure ambiguë de Cheik Hamidou Kane,témoigne de l’influence de la présence des femmes dans la communauté africaine.
Ainsi le combat des femmes en Afrique surtout subsaharienne, pour qu’elle porte des fruits d’égalité et d’équité, devrait se basée sur des considérations déjà positives contenues dans nos discours cosmogoniques ou dans les éléments traditionnels de nos cultures.
La femme africaine d’aujourd’hui souffre beaucoup plus de la pseudo-culture fait de métissage avec des idéologies occidentales que de sa culture authentiquement africaine qui en fait est déjà un jardin perdu.
Bibliographie
Adji Aklesso, « Le mariage contemporain et la problématique du genre : analytique chrétienne du féminin », Revue ivoirienne d’anthropologie et de sociologie Kasa Bya Kasa, n°14, Abidjan, Educi, 2008, pp.108-123
Thomas Louis-Vincent, Luneau Réné, La terre africaine et ses religions, Paris, Harmattan, 1986
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