Togo: Tortures à l’ANR, Lettre ouverte adressée à Faure Gnassingbé

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19 mai 2011

Togo: Tortures à l’ANR, Lettre ouverte adressée à Faure Gnassingbé

Je vous propose ici la lettre ouverte adressée par des Organisations de Défense des Droits de l’Homme (ODDH) au chef de l’Etat Faure Gnassingbé, des pratiques de tortures à l’Agence Nationale de Renseignement (ANR).

Je vous précise que en pleine polémique sur des cas avérés de tortures à l’ANR, Faure Gnassingbé ne s’est pas empêché de décorer lors des festivités de l’indépendance le colonel Massina Yotrofei. Et dire que l’armée nous a ouvert ses portes en guise de « conversion »! Que les dupes y croient! Lisez plutôt cette lettre ouverte.

Excellence Monsieur le Président de la République,

Les de Défense des Droits de l’Homme (ODDH): l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT-TOGO), l’Association Togolaise des Droits de l’Homme (ATDH), l’Association Togolaise pour la Défense et la Promotion des Droits de l’Homme (ATDPDH), le Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT), la Coalition Togolaise des Défenseurs des Droits de l’Homme (CTDDH), Amnesty International-Togo (AI-TOGO), La Ligue Togolaise des droits de l’Homme (LTDH), Journalistes pour les Droits de l’Homme (JDHO), et Nouveaux Droits de l’Homme (NDH-TOGO), viennent, par la présente, vous exprimer leurs vives préoccupations concernant le fonctionnement et les pratiques ayant cours au sein de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR).

En effet, des allégations d’actes de torture, et de détentions arbitraires de plus en plus récurrentes ont été portées à notre connaissance, notamment dans les affaires Kpatcha GNASSINGBE, Bertin Sow AGBA et d’autres citoyens togolais, voire des étrangers.

Les Organisations de Défense des Droits de l’Homme soussignées affirment que tous ces actes sont illégaux et contraires aux droits et libertés fondamentaux de l’Homme dans la mesure où ladite Agence outrepasse sa compétence.

En effet, conformément au Décret N°2006-01/PR du 26 janvier 2006, il ne relève pas des attributions de l’Agence Nationale de Renseignement de détenir des personnes quel que soit ce qu’il leur est reproché. Pourtant, les cas sont nombreux où des citoyens togolais ont été, soit arrêtés à leur domicile ou à leur lieu de travail, soit retenus dans les locaux de l’Agence après s’y être volontairement rendus sur convocation et subissent des actes de tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants.

Nous qualifions ces arrestations et ces détentions d’arbitraires et d’abusives, les locaux de l’ANR ne devant pas servir en aucune manière de lieu de détention.

Plus inquiétant, ces détentions se pratiquent sans aucune intervention des juridictions compétentes, particulièrement le Ministère Public qui a le monopole des poursuites en la matière et ne s’apparentent pas moins à des mesures de garde-à-vue mais bien plus s’assimilent à des peines privatives de liberté.

Enfin, il a été porté à notre connaissance que des actes de torture ainsi que des traitements cruels, inhumains et dégradants sont pratiqués dans ces locaux.

Or, en aucun cas et sous aucun prétexte, de tels actes ne sont admissibles comme en témoigne le caractère absolu de l’interdiction posée par l’article 5 dela Déclaration Universelledes Droits de l’Homme ainsi quela Conventioncontre la torture, ratifiée par le Togo.

Les ODDH signataires de la présente lettre ouverte ayant constant à l’esprit que cette Agence dépend entièrement dela Présidencedela République, sont en droit de conclure que les exactions qui y sont commises vous impliquent par directement.

Pour toutes ces raisons, nous, organisations de défense des droits de l’Homme, avons souhaité porter à votre connaissance le caractère illégal et hautement répréhensible des actes et pratiques auxquels se livre l’Agence Nationale de Renseignement.

Cela nous a paru indispensable dans la mesure où, l’Agence étant « placée sous [votre] autorité directe », vous êtes le seul à détenir le pouvoir de faire cesser de tels actes.

Vous rappelant que lors de sa 101ème Session tenue à New York aux Etats-Unis du 14 mars au 1er avril 2011 sur « l’Examen des rapports soumis par les Etats parties conformément à l’article 40 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques », le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies s’est, au point 16 de ses « Observations finales » concernant le TOGO, « préoccupé par les allégations de torture et de mauvais traitement en détention, notamment dans les locaux de l’Agence nationale de Renseignement (ANR) et par certaines allégations de décès résultant de mauvais traitements en détention. Le Comité déplore l’absence de réponse de l’Etat partie sur le nombre de plaintes déposées pour torture ou mauvais traitements et le manque de suivi de ces plaintes. Il déplore également le manque d’enquêtes effectuées afin d’apporter la lumière sur les cas de décès en détention (article 6, 7 et 2). »

Le comité a ainsi recommandé que « L’État partie (le TOGO) devrait prendre des mesures afin d’enquêter sur toutes les allégations de torture et mauvais traitements ainsi que sur tout décès survenu en détention. De telles enquêtes doivent être diligemment menées afin de traduire les auteurs en justice et d’offrir des réparations utiles aux victimes ».

Les Organisations de Défense des Droits de l’Homme, par conséquent, exigent de votre part et ce, dans un délai raisonnable :

– La clarification du statut, du rôle, des prérogatives et du fonctionnement de l’Agence Nationale de Renseignement ;

– L’autorisation aux ODDH soussignées à visiter périodiquement et de manière inopinée les locaux de l’Agence Nationale de Renseignement afin de rassurer l’opinion nationale et internationale sur la nature des activités effectuées dans cette Agence ;

– La cessation immédiate de tous les actes de torture, exactions et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants commis sur des personnes incarcérées dans la dite Agence ;

– Le transfert immédiat et sans délai de tous les détenus qui sont encore dans les locaux de l’Agence Nationale de Renseignement, que ce soit dans l’affaire Kpatcha GNASSINGBE ou dans d’autres affaires dans les centres de détentions habilités à les accueillir.

En cas de refus de votre part de satisfaire à ces doléances, les ODDH soussignées se verront dans l’obligation d’interpeller l’opinion nationale et internationale, notamment le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies, le Procureur Général près la Cour Pénale Internationale (CPI) pour l’ouverture d’une enquête sur les cas de torture et toutes les autres formes de traitements cruels, inhumains et dégradants qui se commettent au sein de l’Agence Nationale de Renseignement.

Dans cette attente, nous vous prions d’agréer, Excellence Monsieur le Président de la République, l’expression de notre plus haute considération.

Pour les Organisations des Droits de l’Homme

ACAT-TOGO: Me Jil-Benoît AFANGBEDJI

AI-TOGO: Aimé ADI

ATDH: Etsri Hihédéva CLUMSON-EKLU

ATDPDH: Mme Ayélé Mawouéna DOGBE

CACIT : Me Zeus Ata-Messan AJAVON

CTDDH : Komlanvi Carlos KETOHOU

JDHO: Bonaventure MAWUVI

LTDH: Me Raphaël N. KPANDE-ADZARE

NDH-TOGO: Me Bertin K. AMEGAH-ATSYON.

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Commentaires

David Kpelly
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Honteux, vraiment honteux, tout ce que ce Togo nous reflète comme image! La lettre m'a été envoyée par un site togolais, et je l'ai lue avec indignation. Non Charles, trop révoltant, ce Togo et sa dictature!

Toussiné A.
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Je viens de lire cette lettre sur recommandation d'un ami.
Avez vous des infos sur la suite donnée à cette lettre?
Ce qui me fait le plus mal c'est la décoration du chef de cette agence de torture.

Charles Lebon
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Salut Toussiné,

Au Togo, l'une des réalité qui empoisonne la vie socio-politique est l'impunité. Aucune suite n'a été donné à cette lettre ouverte.
Mais c'est une logique que nous devons comprendre à la trame d'une seule question: A qui profite le crime? A qui profite les détournements, les répressions, les tortures...ect? N'est-ce pas à Faure et au régime RPT dans son ensemble. Il est donc claire que Faure et son parti le RPT ne peuvent plus rien pour le Togo en terme de changement et même de réconciliation nationale.