Mali/France : Lecture de la guerre à travers le principe de non-contradiction

30 janvier 2013

Mali/France : Lecture de la guerre à travers le principe de non-contradiction

La guerre française au Mali, officiellement contre les islamistes djihadistes, me pose problème. Ce problème est de l’ordre de la cohérence et mérite examen. L’un des principes majeurs de la bonne réflexion qui conduit à la connaissance vraie, surtout lorsque nous abordons le champ éthique de nos jour, celui que Aristote avait analysée dans l’un de ses ouvrages intitulé plus tard Métaphysique, est  la non-contradiction qui s’énonce comme suit : « Il est impossible qu’un même attribut appartienne et n’appartienne pas en même temps et sous le même rapport à une même chose ». Ce principe qui est difficilement contestable,  gouverne encore de nos jours, plus de 2400 ans après sa formulation les mathématiques, la physique et les sciences et l’éthique en particulier. Simplement ce principe nous dit qu’il est impossible pour une chose d’ETRE et de NE PAS ETRE à la fois (lire avec intérêt la préface de Roger Pouivet « Logique et Ethique : La nature du principe de contradiction chez  Jan LUKASIEWICZ » de l’œuvre Du principe de contradiction chez Aristote de Jan Lukasiewicz).

Or nous sommes au Mali, avec l’intervention militaire française en rapport avec ce qui ce passe sous d’autres cieux comme la Syrie, l’Egypte ou la Libye, devant une contradiction qui me fait douter de cette guerre philanthropique décidée par François Hollande déployant hommes  avions et bombes simplement pour jouer au père Noel.

Il convient donc de se poser une question : quelle est la différence entre les Islamistes du Mali et ceux d’Egypte, Libye et Syrie qui actuellement ont les faveurs de la France et des Etats-Unis, alors que ces derniers aussi sont partisans de la charia, fameuse loi collée par contre sur les Islamistes du Mali pour les incriminer?

Tandis que la France soutient les Islamistes de la Syrie, qui n’hésiteront pas à instaurer la charia lorsqu’ils seront au pouvoir, en même temps, elle fait la guerre aux Islamistes du Mali parce qu’ils sont de dangereux Islamistes, parce qu’ils appliquent la charia, parce qu’ils sont des terroristes. Donc il faut nécessairement les « détruire » nous dira François Hollande ! Nous sommes ainsi donc devant deux affirmations contradictoires où d’un coté on nous dit que tous les Islamistes sont dangereux et terroristes et de l’autre certains Islamistes ne sont pas dangereux, ni terroristes. Il s’agit donc bien là de deux jugements contradictoires qui existent dans l’esprit de François Hollande, qui existe dans l’esprit du gouvernement français.

Nous sommes donc devant des faits contradictoires mais qui avec le concours d’un lavage de cerveaux collectif, même des têtes les plus biens faites par les medias occidentaux, semble être la chose la mieux partagée. Et en tant qu’africain j’assiste à la valse d’approbation des Maliens et des Africains en général, à cette comédie François-française. N’est-ce pas qu’on ne peut pas s’attendre au mieux lorsque les drapeaux français se vendent par centaines, accrochés aux bâtiments, et affichés dans les rues au Mali ? Pauvres africains menés en bateau que nous sommes !

  • La haine Islamiste, une pré-guerre pilotée par les medias Occidentaux

Aujourd’hui, tout le monde semble se mettre d’accord sur une chose : les Islamistes au Mali sont de méchants loups.

Ce sentiment sur lequel est fondé le soutien de l’interventionnisme français au Mali par la plupart des Africains, doit attirer notre attention sur son origine.

Avant le début de cette guerre « Serval », nous avons été inconsciemment préparés à accueillir l’intervention militaire de la France comme un salut contre la barbarie, comme un combat entre la lumière et les ténèbres.

Ainsi l’information médiatique sur les malheurs que font les Islamistes était ressassée à la une de leurs journaux :

A ces quelques titres s’ajoutent la valeur spontanée que l’Europe accorda aux mausolées détruits par les Islamistes.

Loin de cautionner toute forme de non respect des droits de l’homme par un groupe donné tout comme je dénonce le centre de détention et de torture des Etats-Unis Guantanamo, cette propagande médiatique autour des exactions commises au nom de la charia a réussi à créer et cultiver en l’homme-africain la haine islamiste. Une haine qui est un point de départ très important pour « créer » en nous un soutien spontané, irréfléchi et néo-colonisé à l’intervention militaire et salvatrice française.

Au même moment les Islamistes soutenus par la France et les pays Occidentaux en Syrie commettent des attentats atroces qui fauchent la vie des dizaines de civils par jour. Et de ces cas aucun de ces medias n’y voient une quelconque barbarie afin de les dénoncer comme c’est le cas du Mali.

Prenons un exemple : Le Monde.fr en date du 28 Novemvre 2012 titre : Syrie : attentats meurtriers à Damas, les rebelles abattent un hélicoptère.

Ce titre tel que formulé capte notre attention sur une chose : « …abattent un hélicoptère ». Dans un contexte de guerre civile, on penserait que grâce à Dieu les bons Islamistes ont abattus un hélicoptère qui larguait les bombes sur de paisibles habitants. On passerait bien vite sur la première phrase… « Attentats meurtriers ». Nous sommes ainsi devant un titre bien étudié. Or à la première lecture de l’article voici ce qu’on peut découvrir :

Plus de 50 personnes ont été tuées et 120 blessées, mercredi 28 novembre, dans deux attentats à la voiture piégée dans une banlieue favorable au régime, au sud-est de Damas, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).

De ce fait, je me demande quelle est la différence fondamentale entre les minuscules Islamistes du Mali qu’on bombarde et ceux de la Syrie qu’on finance à coup de milliards et d’armes ?

  • La contradiction des attributs : Des bons et des mauvais Islamistes ?

Lorsque les medias en général par contaminations des mots employés par les medias français ou des hommes politiques français ou encore des experts analystes, parlent d’ Ansar Dine, le Mouvement pour l’unicité du jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), ils tirent sur des cordes sensibles déjà préfabriquées par eux-mêmes dans notre inconscient  en les qualifiant de ‘’ terroristes- Islamistes- djihadistes et autres…’’.  On comprend un peu plus lorsqu’on lit l’objectif principal de cette intervention que se fixe le président français :

« Je rappelle que la France, dans cette opération, ne poursuit aucun intérêt particulier autre que la sauvegarde d’un pays ami et n’a pas d’autre but que la lutte contre le terrorisme. C’est pourquoi son action est soutenue par l’ensemble de la communauté internationale et saluée par tous les pays africains ».

Voilà le mot qui fait trembler  et qui fera trembler les Français « Terrorisme ! » Ce mot terrorisme tellement instrumentalisé, mérite aussi notre examen. Mais nous en reviendrons à travers un autre article. Car il me semble important aujourd’hui d’analyser les faits et de dire qui terrorise qui en réalité de nos jours et peut-être de toujours. Au mot terrorisme s’ajoute celui-ci : la charia, qu’ils comprennent dans leur patois comme « barbarie »

Lorsque nous voulons aborder objectivement la question de la charia, il nous sera utile de prendre une distance nécessaire avec ce que le monde occidental en pense. Aussi SlateAfrique nous rappelle qu’ « elle [la charia] fait souvent l’objet de nombreux fantasmes et représentations erronées dans le monde occidental, alors que celle-ci reste un épiphénomène. »

Mais lorsqu’on veut nous parler des Islamistes opposés au régime de Bashar Hafez al-Assad, on nous parle tout simplement des rebelles alors qu’il s’agit aussi là des partisans de la charia et certainement des anti-occidentaux mieux organisés plus que ceux du Mali. Ainsi ils nous présentent d’un coté « les bons Islamistes » et de l’autres des « mauvais et méchants islamistes » à détruire impérativement.

N’est-ce pas là le comble d’un paradoxe savamment orchestré  qui consiste à attribuer le bon et le mauvais à qui l’on veut sans savoir si on a soi-même les propriétés idoines et la conscience claire et sans volonté de tromper afin de discerner le bien du mal?

Tout simplement nous sommes devant des contradictions qui méritent une mise en question profonde de l’intervention de la France au Mali. Il convient également que nous nous posions un certain nombre de questions sur la capacité et l’autonomie de l’Union Africaine à prendre en charge les problèmes de notre continent sans faire recours à un sauveur aux intérêts inavoués.

Mais lorsque la contradiction devient la voie royale vers la vérité, que peut cet article contre l’absurde et le mensonge ?

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