L’homosexualité : demain le crépuscule des conservateurs
- L’aliénation de l’espace de discussion
L’humanité, notre humanité, celle qui rigole devant les autres créatures en brandissant sa supériorité intellectuelle, celle qui montre aux animaux dits sauvages qu’elle a quitté la barbarie de la jungle pour la civilisation, une civilisation dans laquelle elle rend ses armes plus sophistiquées, une civilisation dans laquelle on tue chaque jour des innocents à cause des pierres dites précieuses devant lesquelles les animaux sauvages rient, cette humanité, notre humanité a une autre caractéristique encore plus étonnante et sublime. Il s’agit de son art de débattre des questions existentielles qui se posent à elle. Cet art consiste souvent en deux blocs partisans méchamment opposés à la question à débattre: le bloc des « NONnistes » et celui des « OUIouistes ».
Ainsi l’examen d’une problématique sociale devient une sourde bataille des mots où l’essentiel est « d’être pour » ou « d’être contre ». Dans ce cas la logique argumentaire fait de la conclusion « Donc Je suis Pour » ou « Donc Je suis Contre » les prémisses de la réflexion: je suis contre parce que….parce que. Dans ce cas d’argumentaire, très souvent il n’y a pas un examen objectif du problème. On part de la croyance et de l’opinion qui ont construit sa propre personnalité dans un milieu donné pour ensuite chercher des arguments qui peuvent corroborer ses croyances. Or ces croyances et jugements sont souvent issus de notre éducation et de notre milieu de développement et sont trop souvent difficiles à remettre en cause. Même après un bain dans un marigot du doute cartésien, ces croyances et jugements nous collent à la peau.
Si beaucoup de questions qui se sont posées à l’humanité dans le passé ont assez souffert de ces blocs dualistes, archaïques et dangereux qui posent beaucoup plus de problèmes à l’humanité que la question à résoudre, il est encore désolant de constater que ces blocs prennent de nos jours des proportions de plus en plus dangereuses occupant la scène médiatique en éclipsant le vrai débat. Il suffit de soulever une question éthique pour les voir se dresser les uns contre les autres, surtout lorsqu’ils sont Français :). Aujourd’hui la question sur l’homosexualité souffre énormément de ces chapelles de débatteurs qui nuisent au débat, mais en même temps et paradoxalement participent à la résolution du problème sans qu’il n’y ait en fait un débat de fond.
Mes propos aujourd’hui consistent à démontrer en premier comment la domination d’un bloc sur l’autre couve l’intolérance, la discrimination et la violence envers le second bloc faisant de celui-ci une minorité, et de l’autre comment cette intolérance produira un effet contraire en éveillant progressivement la conscience des uns et des autres pour que les minorités soient établies non pas forcément dans leurs droits, mais dans leur dignité humaine.
- De la question éthique à la discrimination des minorités
La marche de la civilisation est beaucoup plus due à la pugnacité des minorités qu’à des foules plongées dans l’ignorance et tirées par des hommes religieux et des hommes politiques conservateurs. Je comprends la peur devant la nouveauté et le chemin qu’elle nécessite pour se faire accepter. En cela je suis sans doute progressiste. Hier dire que la terre est ronde et tournait autour du soleil était une insulte contre Dieu lui-même. Mais aujourd’hui tout le monde dit simplement : c’est du passé! Hier, c’est-à-dire il y a moins d’un siècle dire que la femme a le droit de vote, c’est contredire Dieu qui aurait créé la femme plus faible que l’homme et donc qu’elle serait incapable de faire des choix éclairés. Mais aujourd’hui les femmes sont à la tête des Etats et occupent de plus en plus des responsabilités jusqu’alors réservées à la cohorte phallocratique.
Mais entre le refus du progrès et son acceptation, il y a souvent un long et difficile chemin fait de discrimination, d’intolérance et de violence envers les groupes qui pensaient en dehors des idéologies intellectuelles comme religieuses et habitudes établies. Dans un débat qui impliquerait un profond changement social le bloc de ceux qui sont contre est souvent sinon toujours majoritaire. Cette majorité confortée dans sa domination en nombre fait de la vérité une question de quantité. Mais mieux ou pire cette majorité devient oppressante faisant recours à la discrimination et à la violence pour étouffer le second bloc minoritaire et qui ne pensait qu’en termes de vision.
Jusqu’au vingtième siècle aux Etats-Unis, la loi interdisait les rapports sexuels entre des hommes ou femmes du même sexe. Aujourd’hui, même si le gouvernement fédéral fait beaucoup d’efforts pour la légalisation de l’homosexualité, tous les Etats de l’Union ne sont pas encore dans cette dynamique comme l’Etat de la Pennsylvanie dans lequel je vis. Jusqu’à un passé récent donc, aux Etats-Unis personne ne pouvait suivre son orientation sexuelle publiquement en raison de trois facteurs très importants et qui demeurent encore dans plusieurs pays dans le monde surtout en Afrique: les poursuites judiciaires, le mépris social et la discrimination. A ces trois facteurs, j’ajouterai la violence verbale et physique dont on fait objet les homosexuels.
Le débat récent en France sur la légalisation de l’homosexualité, les nombreuses marches des conservateurs politiques, les violences notées lors de ces manifestations y compris les violences physiques qu’on a observées, me font démentir cette position de beaucoup d’Africains qui pensent que l’homosexualité est l’une des perversités des Occidentaux : La haine, l’intolérance, le mépris social, la discrimination contre les homosexuels ont des germes dans tous les pays et fleurissent partout dans les quatre coins du monde. L’homosexualité, en Europe comme aux Etats-Unis, n’est pas encore acceptée et souffre de la stigmatisation du bloc des « NONnistes » qui pensent préserver le naturel ontologique ou le divin des choses.
Cette attitude conservatrice produit deux effets : le premier consiste à éclipser totalement le vrai débat et à vider celui-ci de sa substance. A la place d’une explication sereine et sérieuse aux populations, on préfère plutôt leur servir des plats bibliques ou coraniques conservateurs. Le second fruit de cette attitude est l’effet contraire qu’elle produit dans une humanité qui prend de plus en plus conscience de la protection de la dignité de tout être humain.
- De l’homosexualité à l’homosexuel : glissement du champ de débat et paradoxe du revirement des consciences.
De ce qui précède, nous notons un déplacement du champ du débat sur l’homosexualité tout comme dans des questions qui concernent les minorités. Le débat très tôt quitte le champ scientifique et argumentaire pour s’établir dans un champ culturel. Dans le champ culturel les conservateurs trouvent leurs terrains favoris qui leur permettent d’accuser l’homosexualité comme un fait antinaturel et en même temps de jouer sur les croyances jamais mises en cause par les foules pour gagner le débat. Mais il est encore très tôt pour dire qu’ils gagneront le débat. En fait dans plusieurs autres domaines, ils ne l’ont jamais gagné que ce soit l’avortement, l’euthanasie ou encore la prostitution.
Mais lorsque le débat est ramené sur le plan culturel qui a un fond psychologique construit grâce aux années de bourrage d’une certaine éducation lors de notre développement humain, ce débat sur l’homosexualité, tourne à un débat sur l’homosexuel. Du coup nous ne sommes plus seulement sur un plan d’idées, mais sur un plan qui implique des êtres concrets et leur dignité. Les positions contre l’homosexualité deviennent des attaques verbales et physiques contre l’homosexuel.
Celui-ci, l’homosexuel ou le groupe des homophiles, même s’il en souffre en profite lui aussi pour se réclamer de la longue lutte des minorités. Or ce qui fait plus horreur à la conscience humaine de nos jours, après les horreurs de l’esclavage, des deux guerres mondiales, des luttes des peuples pour l’indépendance, de la longue lutte contre l’apartheid, c’est lorsqu’elle constate qu’un seul cheveu d’un être humain a été arraché juste parce qu’on ne partageait pas sa position. L’humanité aujourd’hui est beaucoup plus soudée en matière de la défense et la dignité de tout être humain que sur des sujets qui divisent. A propos de l’homosexualité, nous observons une évolution dans l’attitude de ceux qui ne partagent pas forcement l’idée du droit des homosexuels: ils te diront qu’ils sont contre l’homosexualité, mais aussi qu’ils sont contre toute discrimination à leur encontre. Nous sommes là devant une victoire de l’homosexualité qui deviendra progressivement un fait naturel acceptable et toléré dans l’opinion publique mondiale y compris africaine dans un avenir très proche ou peut-être lointain, même s’il y aura toujours des bigots conservateurs.
Au lieu d’un débat qui doit être serein et permettre à l’humanité d’apprendre plus sur elle-même, ses aspirations, ses mutations et son avenir, nous préférons plutôt nous confronter sur des terrains archaïques d’une vision fixiste et absolutiste de l’être humain. Lorsque nous ramenons des débats sur ce terrain, la haine, l’intolérance, l’obscurantisme et la violence sous toutes ces formes prendront toujours la place du débat civique qui devrait avoir lieu entre des hommes et femmes civilisés. Mais heureusement que la conscience vivante de l’humanité sera toujours présente pour dire « stop » à ceux qui pensent que parce que celui-ci est « gay », lesbienne ou transsexuel, il ou elle devrait perdre sa dignité humaine. Le dernier mot que j’aimerais dire à la fin de ce billet est simple et se veut catégorique : avant tout, respectons les homosexuels de tout genre. Ensuite, engageons le débat sur le fond.
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